Le coutelier  
 
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Le Coutelier

L'idée originelle conduisant par un long cheminement à la création d'une entreprise de coutellerie tient à la remarque, faite juste après guerre, qu'il n'existait, dans le commerce, aucun couteau de qualité équivalente aux baïonnettes ou poignards des armées allemandes et américaines, de passage avec idée de manœuvre, tout récemment sur nos terres.

Dans l'immédiate après guerre lorsque mon rayon d'action personnel m'a permis de courir l'espace et les bois il n'était guère concevable, pour un gamin de sept-huit ans, de trimballer une baïonnette allemande de 25 cm de lame à la ceinture.

D'où l'idée de réaliser moi-même un produit plus conforme à l'usage envisagé, c'est-à-dire un couteau fixe d'une longueur raisonnable, un peu comme un couteau scout, mais solide et tranchant.

La voie de la fabrication directe à l'aide de petites limes comme matière première s'est heurtée à l'obstacle du manque d'outillage d'une part et de la méconnaissance des lois de la trempe d'autre part - d'où rupture et échec.

Cette idée évidente de susciter une fabrication personnelle pour pallier le manque prenait un coup d'arrêt. Il y a loin de la coupe aux lèvres lorsque l'on est enfant.

Il convenait au préalable d'acquérir un "savoir" puis d'en préparer le "vouloir" et alors de saisir éventuellement l'occasion du "pouvoir".

La montagne d'obstacles à franchir aurait pu conduire directement à l'abandon de l'idée, mais des aiguillons puissants ravivaient de temps à autre la flamme vacillante soumise à doute et questionnement permanent tout comme l'était cette vocation militaire refoulée par défaut des modèles nécessaires, l'échec apparent de nos généraux en 39-40 les rendant inaptes à la fonction d'exemple.

Un de ces aiguillons a été d'assister à la projection du film "Bataillon du ciel", en 1947 au cinéma itinérant, ce qui m'a incité quelques années plus tard à suivre la préparation militaire parachutiste. Peu après, le film de "La Bataille de l'eau lourde", vu dans les mêmes conditions n'a fait que renforcer cette volonté de poursuivre l'idée. L'extraordinaire de ce film, c'est que le comédien qui tient le rôle principal d'un commando est celui-là même qui avait commandé et réalisé l'opération sur le terrain : Knut Haukelied.

L'idée a cheminé cahin-caha, soutenue par les reportages sur les guerres d'Indochine et de Corée illustrées dans "Point de Vue Images du Monde", "Radar" et "Life" de temps à autre, l'acquisition d'éléments technologiques glanés chez le charron, le forgeron et le réparateur de vélos, et, d'éléments esthétiques provenant des cahiers d'apprentissage du dessin, des livres d'art, des gravures de mode et des visites dans les musées sous l'égide de notre grand-mère. C'est ainsi qu'au Louvre je suis tombé en arrêt devant la plastique d'une statue grecque "l'Aphrodite de CNIDE".

Au printemps 1950, tous les gamins dont j'étais courraient les décombres, la campagne et les bois dès l'ouverture des portes du pénitencier scolaire. Dans "le chemin du Maroc", planté d'immenses peupliers, une roulotte de "romanos" était arrivée. Deux chevaux paissaient tandis qu'une femme et un gamin de notre âge vaquaient dans le campement.

Nous avons fait connaissance et le lendemain je suis revenu jouer avec le jeune nomade. Parvenus assez rapidement à un degré de confiance satisfaisant après un "large échange de vue" comme on le dirait en diplomatie, mon interlocuteur est parti dans la roulotte et en a ramené tout ou partie de son arsenal. Il y avait là un P08, un P38 et un Mauser 96, "La puissance de feu d'un porte-avion" (les Tontons flingueurs) quelque peu rouillés.

Sous la roulotte pour être tranquille, nous avons examiné ce trésor. Je lui ai montré ma science en ce qui concerne le P08, il m'a fait voir la sienne avec les autres. Et j'étais fasciné par le Mauser.

Sachant que j'étais fils de pharmacien et devant mon intérêt pour cette "pièce d'artillerie" nous avons engagé une partie de troc dont ma contrepartie était la fourniture de pénicilline tout juste arrivée en France par le canal américain, pour soigner son père. Le lendemain hélas, la roulotte était partie et c'est ainsi que je n'ai jamais su démonter ni les P38, ni les Mauser 96.

L'âge venant et la voie militaire m'étant fermée, j'ai été incarcéré au Collège Technique où j'ai rapidement acquis les éléments technologiques indispensables à la réalisation d'un couteau sérieux pour la chasse que j'avais été invité à pratiquer comme traqueur (rabatteur) le dimanche.

Je n'ai pas cherché bien loin le modèle, il s'agissait de reprendre les lignes du Trench Knife américain, autrement dit le poignard USM3 dans une version agrandie en taille et solidité pour faire face aux efforts puissants du corps à corps avec l'animal. La matière première m'était fournie par ma première lime usée, ce qui arriva fin 1953. Le temps de la mettre en œuvre pour l'essentiel chez l'ancien maréchal-ferrant et c'était Dien Bien Phu.

Progressivement grâce aux heures d'étude du collège, j'ai dessiné une gamme de couteaux dont la pièce maîtresse était à mes yeux une lame synthétisant les fonctions "pique et coupe" d'estoc et de taille que l'on trouve partout dans le monde. Les lignes de cette lame s'inspiraient de celles de la baïonnette du fusil Chassepot, de divers couteaux militaires surtout des nageurs de combat taïwanais ( photo publiée dans le livre "du couteau"), du couteau à pain familial et de "la courbe des hanches en amphore de Vénus Callipyge" (Gérard de Villiers) de l'aphrodite de Cnide. J'ai appelé cette lame "Prairie" en hommage aux souvenirs des romans de Fenimore Cooper.

L'idée progressait ...
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